samedi 8 octobre 2011

Chaque vie a un sens

Rêve à la veille des élections présidentielles 2012


Nous sommes le 4 mai 2012 et une immense vague de compassion s’est emparée des Français. Une nouvelle compréhension des hommes de la rue, celle de leur vécu, a donné un sens à leur vie. Depuis quelques semaines déjà, les rues sont envahies de personnes se rendant à leur travail à pied et à vélo, habités par cette conviction que l'espace public doit redevenir un véritable lieu de rencontre avec de nouveaux repères. Elles revendiquent le besoin de ralentir et y redécouvrent les richesses de leur quartier. Des micro-habitats en paille émergent sur les places, créés par les sans voix et donnant une nouvelle dimension à la rue, mobile, organique et naturelle. Aujourd’hui, les transitionneurs ont lancé un appel national pour réunir la population urbaine et reprendre possession de nos villes : retrouver les pavés sous le goudron, végétaliser les toitures  et redécorer les murs d’une histoire commune... Il est même prévu qu’un axe entièrement végétalisé traverse la ville de Lyon pour des ballades pieds nus sur l'herbe bordée de fleurs sauvages... Comme pour compléter cette euphorie générale, les deux candidats à la présidentielle ont noté l’importance que révélait la ressource créative humaine pour la société future et ont choisi de placer le revenu de vie comment fondement de leur programme. Un vaste sentiment de légèreté et de fluidité envahit la France qui retrouve sa place de pays rêvé dans un monde en (re)construction humaine et spirituelle.

Retour en 2011... 

Depuis ma rencontre avec un “sans abri” des ponts de neuilly, une conviction était née en moi: tout individu a sa place dans notre société. "Wolf" est un ancien combattant qui a choisi de vivre dans la rue (ce qui lui confère une certaine exception en tous cas dans l’approche qu’il donne aux autres). Doté d’un fort charisme, cet homme possède une grande influence sur les jeunes du quartier. Pourvu d’idées peu communes, il a cette fonction de les guider au delà de leur rage, et ce, avec une sagesse toute particulière que je lui reconnais volontiers. Ces rencontres sont restées gravées en moi. Mes convictions profondes étaient souvent titillées lorsque, croisant une personne très odorantes dans le métro, je me demandait bien ce que cet individu pouvait apporter à la société... Le livre "Vivre sans abri" m'a permis de jeter une nouvelle lumière sur le rôle possible de ces pionniers d'une société en crise humaine, environnementale et monétaire.




Résilience de l’instant présent 

La vie des hommes de la rue est une expérience de chaque instant. Issus d’un passé auquel ils n’appartiennent plus, peu enclins à imaginer un futur qu’ils ne contrôlent pas; la société a produit les conditions d’une expérience de l’ici et maintenant que tant d’autres personnes cherchent à vivre (cf succès d’Eckhart Tolle). Certes l’expérience est moins romantique que dans les livres mais n’en trouve pas moins sa réalité à ce stade de précarité: l’instant présent comme facteur de survie.  L'instant présent déconditionné pourrait-il nous aider à surfer sur les crises? 

Dans une société où de plus en plus de personnes semblent manquer de temps, ces hommes nous montrent une toute autre façon de vivre qui pourrait bien nous permettre de passer le cap des prochaines années: L’immédiateté de la vie dans une situation extrême commande la logistique de l’action, installant le sujet dans un temps continu. C’est la maîtrise du corps et la maîtrise du présent qui permettent le maintient de soi. Il ne s’agit donc pas uniquement de survie matérielle, mais aussi de survie “morale” [...]. C’est un combat qui suppose de développer des savoirs, une réflexion aiguë [...] tout en exigeant le perfectionnement systématique des compétences existantes. Ces personnes savent que rester soi même, sortir de la vie dure et destructrice, c’est se tourner vers autrui et penser qu’il y a un autre qui écoute, qui attend, qui a aussi besoin de soi. 

Spatialiser le temps 

L’homme dans la rue acquiert une conception spatiale de la temporalité. A l’instar de notre planète qui chemine dans l’espace pour créer notre conception du temps, les lieux deviennent un espace d’identification avec soi même et avec les autres, une cartographie où le passé prend une densité mémorielle. Le “slow movement” propose de ralentir notre vie. Faire entrer la spatialité dans notre quotidien nous permet de reprendre contact avec un temps plus humain, un temps où l’on se croise, un temps d’observation, un temps d’entraide. Parcourir la ville à pied et à vélo offre des repères que la société tend à nous faire perdre, comme celui de la connaissance du milieu où nous vivons. La vie des hommes de la rue est colorée de cette qualité que nous avons perdu... 

 
 Keny Arkana, parce que la rue nous appartient

Habiter la rue 

Dans le symbolisme des rêves, la maison représente la personnalité de l’individu. G. Bachelard relève ceci: en nous souvenant des maisons, des chambres, nous apprenons à demeurer en nous même. La rue, cet espace partagé, passant et bétonné devient la matérialisation d’une maison impersonnelle, et en même temps, de leur nouvelle personnalité... Cet espace que NOUS construisons, cette vaste colocation urbaine est le théâtre de nombreux  passages, mais de peu de relation. Majoritairement composée de couloirs bruyants et de places-salon, nous laissons se créer un climat peu favorable à l’épanouissement de l’être humain. Nous pouvons habiter nos rues pour les rendre plus humaine: ré-approprions nous cet espace et redevenons des colocataires respectueux. Les guérilla guardening rêvent par exemple d’une ville végétale qui se grefferait au béton souvent peu chaleureux... 



Bienveillance 

Les centres d'hébergement, utiles à court terme, ne présentent pas une solution durable lorsque, privés de toute individualité, la masse précaire est soumise à la “logique de la pitié” d’une société guidée par la honte de ceux qu’elle ne comprend pas. Qu’est ce alors que la bienveillance? Et comment agir face à ce constat de société?

Claudia Girola nous ouvre à une toute nouvelle compréhension de ces hommes. Imaginez une foule qui vous regarde avec incompréhension et pitié, une foule qui vous exclut de leur monde par le simple constat qu’ils ont un toit et que vous n’en avez pas. Remplacez cette foule par des hommes emplis de compassion née d’une toute nouvelle compréhension de votre être, une reconnaissance de votre humanité, d’une appartenance à une même communauté. Que ressentez vous? 



Accueil inconditionnel 

Pourquoi chercher inlassablement à réintégrer ces personnes dans la société alors qu’elles appartiennent déjà à la société? En les privant de cette reconnaissance, nous les privons de la sécurité et du repos nécessaire à l'émergence d'une créativité. Obsédés que nous sommes par la valeur travail, ligotés à un idéal de vie, nous avons peur de ce qui pourrait advenir d'une sortie de ce cadre... La vie de ces hommes nous montre les limites d'un tel système de pensée. La tâche est sévère mais nous sommes tous capable de sortir de notre petit confort, de ralentir notre vie, marcher dans la rue, participer à la végétalisation de la ville, comprendre les implications d'un revenu inconditionnel pour tous et que sais-je encore, les options ne manquent pas! Nous sommes ENFIN prêts à cohabiter avec ce nouveau monde, à offrir notre reconnaissance inconditionnelle à l'espèce humaine! Il est temps de plonger dans le réel... pour redevenir humain...


Le revenu de vie est aussi appelé revenu de base, revenu citoyen, allocation universelle, revenu inconditionnel